UN PEU DE TEMPS À L’ÉTAT PUR : installations porcelaine de Sèvres et faïence de Gien
La pile d’assiettes, apparue dés les premières installations de cuisine en 1976, restitue au travers d’un geste familier, un équilibre précaire. La pile se construit comme un modelage en sculpture donnant l’impression d’une chute inévitable. Plus que la raison, partagé entre le comique et le tragique, c’est le corps qui jubile et redoute la chute et le fracas qui l’accompagnerait.
Soutiens d’une culture et d’une histoire sociale, ces objets, sublimes témoins d’une haute technicité et partenaires d’un art de vivre, se retrouvent travestis par l’instabilité de l’installation. Ils portent les conditions de l’identification sans en avoir la reconnaissance.
Tout travail de sculpture s’appuie sur la présence et la perception du matériau pour en dégager du sens. Mais ce processus peut enclencher un retour en arrière vers une forme déchue revenue à l’état de matériau : la céramique peut contenir toutes ces étapes. Car, dans le cas de la céramique et peut-être davantage encore pour la porcelaine, cette transmutation est inhérente au matériau. Le passage du feu la déplace d’un état à un autre, solide, liquide, gazeux, ce qui la rend disponible à tous les transferts de matières, et de signes.
Ghislaine Vappereau, juin 2010