À l’origine de ma recherche, il y a certainement une interrogation sur la vision héritée de l’évolution humaine, et la dénomination qui accompagne une autorité sociale et politique. La perception interprète le réel. Le regard élabore la vision pour la rendre intelligible en signes. Le réel même dans sa réalité tangible n’est donc jamais si éloigné de son abstraction, ils se soutiennent l’un l’autre.
Cette recherche s’inscrit dans le champ de la sculpture. L’ensemble de la démarche repose sur ces dualités : basculement constant des deux aux trois dimensions, moment arrêté à la fluidité du temps, passages de la reconnaissance à la dénégation, du signe au matériau. Toute démarche s’inscrit à la rencontre d’une histoire personnelle en prise avec le mouvement de l’Histoire ou des histoires de classe, de genre, qui s’entrelacent les unes les autres. Tout dépend du point de vue, de la focale, et de la temporalité considérée.
Le réel considéré est celui de l’espace de la cuisine, espace banal communément partagé, qui s’est raccourci à des éléments de mobilier, tables, chaises, carrelage, éléments alimentaires, broc, assiettes, fruit, vaisselle. Le travail a été amorcé par des « installations » à caractère scénographique, de cuisine reconstituée avec des objets défectueux dont le réemploi prolongeait leur potentiel symbolique et poétique. Des études accompagnaient ces installations sous forme de livres typographiques, photographies, dessin et sérigraphies.
Ces études ont certainement introduit un basculement perspectif de l’espace à une frontalité, sous forme de « bas-relief » – raccourci spatial – comme l’œil voit à deux dimensions et le regard à trois dimensions. La profondeur, le relief est un supplément accordé par le cerveau. Ces « sculptures » réalisées sur plusieurs années à partir des formes de tables et de chaises déroulent ce processus de reconnaissance.
Dans les « cortèges de transfiguration et de déchéances », les œuvres décomposent des étapes dans ce processus de négociation depuis l’informe vers la forme reconnaissable et vice versa. Ce sont autant d’interprétations dans des matériaux, des techniques et des échelles différentes (contreplaqué, cire, bois, textile, grillage, textile, céramique, aluminium).
Actuellement, des sculptures planes, mais articulées, issues des recherches menées sur des systèmes papier, déploient une profondeur de l’espace autour de mobilier tables ou chaises qui authentifient la relation à l’espace réel de la cuisine.
L’ensemble de la démarche repose sur cette dualité : basculement constant des deux aux trois dimensions, moment arrêté à la fluidité du temps, de la reconnaissance à la dénégation, du signe au matériau.